Publié le 30 janvier 2024

par Christian Maréchal.

Un voilier prestigieux a rejoint la flottille de la petite plaisance des Amis du Musée maritime : un Tornado. Ce catamaran de régates, médaille d’or aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988, avec Nicolas Hénard et Jean-Yves Le Deroff, est offert par la Fédération Française de Voile (FFV) . Son président, Jean-Luc Dénéchau, l’a proposé aux Amis et au musée dans un courrier datant du 19 octobre 2023. Ce don a été accepté par les Amis et la directrice musée.

Une machine de course

Le Tornado a été dessiné par l’architecte britannique Rodney March à l’automne 1966 avec l’objectif d’en faire une série olympique, la mise au point fut assurée par Terry Pierce et Reg White.

Il fut conçu pour une construction en contreplaqué ployé, technique simple, accessible aux amateurs, qui a permis de réaliser un bateau «léger» bien avant la disponibilité des composites.

Entrant dans la Classe B de l’IYRU (International Yacht Racing Union) (longueur de 20 pieds), il fut sélec-tionné comme série olympique. C’est à Montréal en 1976 qu’il participa à ses premiers JO et c’est à Quindao en Chine qu’il acheva sa carrière olympique lors des JO de Pékin en 2012.

Construit à partir de 1968, il a depuis évolué avec l’adoption d’un second trapèze et d’un spinnaker.

Le bateau n’aime pas les petits airs ! Il possède une puissance étonnante, délicat à faire virer, très technique, le Tornado est conseillé aux équipages athlétiques expérimentés.

Au près, à plus de 15 nœuds, le Tornado tutoie les 30 nœuds au portant !

Le Tornado est une machine de course avec des ressources aux limites toujours difficiles à atteindre.

L’accastillage, doit résister à des efforts colossaux. Il a été conçu pour que tout puisse être réglé à pleine vitesse, d’où une certaine complexité et un entretien demandant des connaissances en mécanique… et du temps !

L’entretien du bateau est lourd et les manutentions contraignantes.

Par souci d’équité tous les bateaux de compétition sont «jaugés». Chaque bateau doit être conforme à sa définition, aux plans établis par l’architecte et reconnus par l’association des propriétaires comme références… Cette opération se fait dans des conditions bien précises (prêt à naviguer, équipements à bord – sauf les voiles, taux de séchage en particulier).

Construit en Suède au Sail Center of Sweden – Marström, le F 209 a été livré en novembre 1987.

Première jauge en Suède, le 10 novembre 1987, poids correctif de 5 kg (le bateau était trop léger par rapport au poids minimum). Le lest imposé (plomb) est généralement installé en pied de mât.

Tout au long de leur vie de régates les bateaux sont rejaugés. Le Tornado F 209 a été jaugé le 22 avril 1988, le 4 juillet 1997, le 20 novembre 2000, le poids correcteur a été ramené progressivement à 2,2 kg (au fil du temps les bateaux s’alourdissent… il y a toujours un peu d’humidité dans les structures).

Lors de la semaine de Hyères, en avril 1988, le bateau fait des merveilles. Il a été décidé de le mettre «au chaud», il ne sera utilisé que pour les JO. Même la phase d’entraînement sur place se déroulera avec le «mulet» afin d’éviter toute casse intempestive, tant les conditions de vent et de mer sont dantesques à Pusan.

Les Jeux olympiques de Séoul

Les régates sont organisées à Pusan à 500 km de Séoul, du 20 au 27 septembre 1988. 378 régatiers de 60 pays dans 8 séries. Ces Jeux seront un grand cru pour l’équipe de France, avec deux médailles d’or, l’une en 470 pour Peponnet/Pillot et l’autre en Tornado pour Jean-Yves Le Deroff et Nicolas Hénard.

Le typhon annoncé ne déferla pas sur Pusan et les régates purent se dérouler… dans des conditions musclées : vent de 15 à 25 nœuds, un fort courant (le tsushima, jusqu’à 4 nœuds), tout pour créer une mer formée voire démontée, cadre marquant de ces épreuves de voile.

J-Y. Le Deroff et N. Hénard domineront ces JO de la tête et des épaules au terme d’une préparation très bien planifiée : pas de place au hasard ! Rigueur et détermination peuvent résumer cette préparation olympique. L’équipage sera entouré et même choyé par les préparateurs du matériel. L’anecdote : une fissure apparaît sur la poutre du bateau, les préparateurs surveilleront de près la fissure mesurant son évolution tous les jours mais décideront, pour ne pas perturber l’équipage de ne pas changer cette poutre et ne diront rien à Jean-Yves et Nicolas… le préparateur mental, le kiné, le spécialiste en règlements…n’auront pas trop de boulot avec le duo, tout est calé, tout est clair ils savent pourquoi ils sont là.

La domination est telle que les navigations sont faites dans la prudence la plus complète, pas de prise de risques. Tout est inspecté, réfléchi dans le sens de la fiabilisation. Il ne faudra pas casser ! Ces Jeux seront ceux de Jean-Yves et Nicolas : préparation minutieuse, détermination, grande forme.

Les conditions musclées sont faites pour eux : Manche 1, 2’30’’ d’avance, cela donnera le ton. Manche 2, 9e position au premier passage au vent, seconds à l’arrivée. Manche 6 et avant-dernière manche, il «suffit» de terminer dans les 10 premiers pour l’emporter départ en retrait, 17e au premier passage au vent, sur le premier largue les français avalent onze concurrents, 6e à la bouée. Puis 5e, c’est fait, l’or est dans la poche.

La carrière olympique du F209 s’arrêtera en 1988

Le bateau ne sera plus utilisé pour les JO, mais il restera pendant encore 3 olympiades dans les matériels de l’équipe de France.

En 1992, le bateau médaillé est ressorti pour la préparation aux JO de Barcelone, mais le choix d’Yves Loday et de Nicolas Hénard s’orientera vers un autre bateau. Ils gagneront la médaille d’or

En 1996, pour les JO d’Atlanta le bateau est ressorti pour la préparation finale, mais ne sera pas choisi par Fred Le Peutrec et Franck Citeau qui préfèrent utiliser un bateau plus récent.

En 2000, pour les JO de Sydney un container est préparé dès 1997 et envoyé à Sydney avec 4 Tornado, dont le F 209, pour les entraînements.

Lors de la préparation olympique 2004, le bateau sera confié à un jeune équipage du pôle France qui fait ses débuts dans l’olympisme. Refus de tribord : le bateau est cassé. Puis de mauvaises conditions de stockage seront la cause du décollement du pont. Le renfort en aluminium (dans lequel l’accastillage est vissé) situé sous le pont s’effeuillera suite aux effets galvaniques favorisés par l’eau salée. Le pont commence à se soulever poussé par le gonflement de l’aluminium. Reprise en main du bateau par le chantier suédois Marström pour un premier refit. Ensuite le bateau, promis à plusieurs reprises à une exposition dans un musée, sera stocké à l’École Nationale de Voile à Quiberon. out est stocké à l’abri : coque, accastillage, mât, bôme, safrans, dérives… Ainsi en 2019, lorsque le bateau doit être exposé au musée de la Marine, la restauration du bateau est entreprise. Coques, dérives, têtes de safran, mât, câbles, accastillage de pont, compas, bôme, barre de liaison sont d’origine. Un trampoline a été refait à l’identique ainsi que 2 safrans.

Le F 209 va continuer sa retraite tranquille à La Rochelle, venant augmenter la collection de la Petite Plaisance. L’histoire du F 209 va encore rayonner auprès des «voileux», et montrer aux jeunes ce que la voile peut apporter comme objectif personnel, ouverture vers l’aventure et respect de la nature.

Rédigé à partir des documents et photos fournis par la FFV, des extraits des revues Voiles et Voiliers n° 93 et du Chasse-Marée n° 215.

Un Tornado photographié à Cowes par Beken en I968