Publié le 15 janvier 2024

Texte et photos Yves Gaubert.

Assurer l’avenir à long terme du musée maritime de La Rochelle, développer sa notoriété.

Après le départ de Nathalie Fiquet, le musée attendait une nouvelle direction. Pendant l’intérim, assuré par Elise Patole-Edumba, directrice des musées municipaux, la ville a cherché activement la perle rare. Cristina Baron, conservatrice du musée de la Marine de Toulon depuis 20 ans, est arrivée le 15 mai pour prendre la direction de notre musée bien-aimé.

Un riche parcours

Forte de 40 ans d’expérience, elle travaille à donner une vigueur nouvelle à ce jeune musée âgé de 35 ans, à l’équipage toujours motivé. Historienne de l’art de formation, elle n’est pas étrangère au monde maritime, son long séjour à Toulon le montre. Son mémoire de maîtrise a porté sur Gustave Hervigo (1897-1996), peintre officiel de la Marine. Son grand-père, installé à Alger, était à la tête d’une flotte de pétroliers et amateur de peinture.

« Je suis née à Alger et mes parents se sont installés à Cannes au moment de l’indépendance de l’Algérie. Dans la continuité de ma formation, je suis entrée comme stagiaire au musée national de la Marine à Paris et je suis devenue conservatrice en 1986. »

Pendant cinq ans, elle est rédactrice en chef de Neptunia, la revue des amis du musée de la Marine.

Elle participe à la préparation des expositions sur les peintres Marin Marie et Albert Brenet, sur les galères. Au moment où l’historien du yachting, Daniel Charles, monte le conservatoire international de la plaisance à Bordeaux, elle le rejoint comme adjointe. Le musée s’installe dans la base sous-marine de la ville, un lieu pas vraiment adapté à son sujet malgré le plan d’eau attenant. La collection de bateaux est unique comme celle de moteurs réunie par Kevin Desmond, un spécialiste.

«Daniel Charles s’entendait bien avec Chaban-Delmas, le maire. Mais en 1995, âgé de 80 ans, celui-ci ne se représente pas à la mairie et soutient Alain Juppé qui est élu. La nouvelle municipalité ne s’intéresse pas au conservatoire et c’est la déconfiture. La structure ferme et le musée maritime de La Rochelle prend en dépôt cinq bateaux récupérés à Bordeaux.»

LE MUSÉE DE LA MARINE DE TOULON

Cristina retourne alors au musée de la Marine à Paris. Elle est chargée de mission et en profite pour passer un DESS de gestions des institutions culturelles. Ensuite elle part à Toulon prendre en charge le musée de la Marine de ce port militaire.

«Ce musée est le premier créé en France puisqu’il date de 1814, antérieur au musée de Paris qui ouvre dans une aile du Louvre. Là-bas, pour monter des expositions et faire des projets, il faut être créatif et trouver des moyens sur place, car les budgets sont insuffisants. Mais grâce au travail que nous avons accompli avec mon équipe, nous avons fait passer le nombre de visiteurs annuels de 25 000 à 65 000. Nous nous sommes appuyés, là aussi, sur l’association des amis du musée qui y a une délégation régionale. Par exemple, pour une exposition sur le bagne de Toulon, les amis ont construit des maquettes d’architecture.»

La difficulté d’obtenir des financements pour réaliser les projets qui auraient permis de développer le musée a fait partie des raisons qui ont poussé Cristina a accepté la proposition qui lui était faite de prendre la direction du Musée maritime de La Rochelle. Elle avait des expositions en projet comme les femmes embarquées, la plongée autonome ou les ex-voto, le musée de Toulon aurait pu s’installer dans un nouveau lieu, mais elle n’a pas pu faire aboutir cette réalisation.

Son expertise dans le patrimoine maritime, sa connaissance des bateaux métalliques qui naviguent, des moteurs, son expérience de terrain conviennent pour un musée comme celui de La Rochelle, dynamique et unique en son genre avec sa flotte de navires classés monuments historiques.

La première mission que s’est donnée Cristina est d’obtenir pour le musée le label «Musée de France», un label qu’ont déjà les autres musées municipaux, le muséum d’histoire naturelle, le musée du Nouveau Monde et le musée d’Art et d’Histoire.

ÉLABORER UN PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL

Pour cela, elle élabore un projet scientifique et culturel.

«Je me donne trois ans pour élaborer un outil stratégique pour les dix années à venir. L’idée, c’est bien d’assurer l’avenir à long terme du musée. Pour correspondre à tous les critères demandés, il y a encore du travail. Nous avons un problème de traçabilité avec certains objets de la collection. Il est important de pouvoir dire d’où ils viennent, qui en était le propriétaire. Pour donner un exemple, une nasse est un instrument qu’on trouve dans plusieurs musées. Si on n’identifie pas sa provenance et si on ne reconstitue pas son histoire, c’est un simple objet de décoration.»

Dans cette démarche de consolidation des propositions du musée, Cristina s’appuie sur les salariés, une vingtaine de personnes, accueil, équipe technique, médiation… et sur l’association des Amis. En même temps, des expositions sont en préparation pour faire vivre le musée. Il y a l’exposition Gilbert Maurel dont on parle dans ce numéro et une exposition plus importante qui va succéder à celle sur le climat et l’océan.

«Nous allons monter une grosse exposition sur l’émission Thalassa pour rendre hommage à Georges Pernoud qui l’a portée pendant des décennies. Cette émission phare a balayé toutes les thématiques de la mer dont la protection de l’environnement, problème majeur aujourd’hui. L’exposition va être installée dans la salle noire et ouvrira en novembre 2024, celle sur le climat et l’océan fermera fin août. Je réfléchis à la suivante, peut être les ex-voto…»

Le travail ne manque pas avec les bateaux à flot, la collection de la petite plaisance, les collections à terre avec l’exposition permanente sur l’histoire maritime de La Rochelle qui a besoin d’être complétée et la vieille drague à vapeur de 1906 qui meurt lentement dans son alvéole de la base sous-marine à La Pallice.