L’histoire du bateau

La naissance

Rêvant d’un prochain bateau sans en avoir encore les moyens, Moitessier entreprend une abondante correspondance sur plusieurs mois avec l’architecte Jean Knocker qui se propose de le lui dessiner, suite à une première rencontre au salon nautique à Paris début 1960. Ces échanges d’idées, de croquis, de plans de différentes tailles s’étalent pendant quatorze mois jusqu’à la construction (qui a lieu de septembre à décembre 1961 à Chauffailles) et continuera au-delà sous forme d’échanges réguliers et emprunts de respect mutuel: Bernard Moitessier nomme Jean Knocker « oncle Jean » dans sa correspondance. Le projet est flou au départ, avec de nombreuses hésitations tant sur la taille, le matériau, la forme, les aménagements.

Les impératifs sont clairs : bonne remontée au vent, faible tirant d’eau, arrière norvégien, intérieur habitable et divisé en deux cabines indépendantes, ketch marconi, gouvernail extérieur pour y fixer un régulateur d’allure en direct. Les plans vont s’affiner au fil des échanges.

Moitessier envisage de le construire lui-même pour des raisons économiques, et en bois, dans le sud de la France quand arrive, fin juin 1961, la proposition de Jean Fricaud, propriétaire d’un chantier de pelles mécaniques en Saône et Loire, de construire dans son chantier son bateau en acier. Touché par le récit des (més)aventures de l’auteur du livre « Un Vagabond des mers du sud » qui sort en librairie fin 1960, Jean Fricaud lui offre un prix très intéressant moyennant pour Moitessier de participer à la construction comme ouvrier, et de lui donner des conseils en navigation sur son propre bateau. Fricaud prévoit d’acquérir ainsi une expérience pour ensuite se lancer dans la construction des bateaux en acier. Le chantier démarre en septembre et se termine fin décembre sans aucun engin mécanique, à trois. La mise à l’eau a lieu le 6 février 1962 à Lyon.

Les caractéristiques techniques

  • Ketch en acier dessiné par Jean Knocker. Construit dans le chantier de Jean Fricaud à Chauffailles en Saône et Loire.
  • Longueur 12,08 mètres prolongé de 2 mètres de bout-dehors.
  • Longueur à la flottaison 10,30 mètres.
  • Largeur au maître bau : 3,68 mètres.
  • Tirant d’eau 1,60 mètres, quille longue.
  • Grand mât de 17,50m (en pin noir d’Autriche) et mât d’artimon (poteau EDF).
  • Équipement : régulateur d’allures (pas d’électrucité sur Joshua) monté sur le safran extérieur.
  • Arrière norvégien.

Un nom pour le bateau

Prévu au départ Maïté, il s’appellera finalement Joshua en hommage à Joshua Slocum, premier navigateur à avoir bouclé un tour du monde en solitaire sur le Spray 1895-1898.

Une vie d’aventures

École de de croisière (1962-1963 et 1967)

Dès sa mise à l’eau, les aménagements commencent en vue de recevoir des stagiaires en école de croisière dès l’été 1962. Au final, 150 stagiaires vont se succéder sur deux saisons d’école de croisière en Méditerranée, à partir de Marseille et Toulon jusqu’en Corse.

Les grandes navigations

Sur les trois océans en couple puis en solitaire 1964-1969 :

La vie dans le Pacifique : Polynésie, Nouvelle Zélande, Cook, Californie 1969-1982.
Après le tour du monde en solitaire, Joshua reste basé dans le Pacifique.

Naufrage à Cabo San Lucas (Mexique), le 8 décembre 1982

Quittant la Californie pour le Costa Rica, avec à son bord Klaus Kinsky, acteur célèbre et généreux client souhaitant apprendre la navigation, Moitessier fait escale à Cabo San Lucas, au Mexique pour y déposer son élève. Et là, il continue à lui enseigner la navigation malgré un temps qui menace, il reste au mouillage au lieu de s’éloigner de la côte. Et dans la nuit, un cyclone non annoncé jette Joshua sur la plage avec vingt-six autres voiliers. Joshua est juste cabossé mais les bateaux qui lui arrivent dessus détruisent tout sur le pont. Il se retrouve rasé, démâté, plié et rempli de sable.
Après avoir vidé le sable et récupéré ce qu’il pouvait, se sentant incapable de remettre lui-même en état le bateau, il cède « l’épave » pour 20 dollars à deux jeunes Joe Daubenberger et Reto Filli qui sont venus l’aider et se proposent de la racheter. Il les aide à remettre Joshua à l’eau, faute de quoi il serait détruit.

La nouvelle vie de Joshua 

Le voilier indestructible va commencer une nouvelle vie avec Joe et Reto Daubenberger qui vont le remâter sur place puis le remettre en état à San Diego, en Californie, installer un moteur, puis le vendre à Johanna Slee à Port Townsend, dans l’État de Washington. Par un concours de circonstance heureux, la rencontre d’une française Virginie connaissant l’histoire du bateau et cherchant à le faire revenir en France, et d’un journaliste Emmanuel de Toma intéressé par le projet, Joshua va retourner en son pays d’origine. Emmanuel de Toma contacte en effet Patrick Schnepp, directeur du Musée maritime de la Rochelle, qui réussit à faire racheter Joshua par le musée, grâce au concours d’un mécène, et Joshua va être ramené en cargo en France en 1990.

Patrick Schnepp a annoncé la nouvelle à Bernard Moitessier qui s’est tout d’abord attristé de voir son voilier immobilisé dans un musée. Mais le directeur du musée lui a assuré que Joshua continuerait à naviguer, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Il a été invité à bord lors de l’arrivée à la Rochelle où il a été applaudi par un public nombreux puis a eu l’occasion de naviguer de la Rochelle à Concarneau un an plus tard avec à bord Gérard Janichon, Jean-Paul Lemaitre, Philippe Lavigne, Patrick Schnepp, Yves Gaubert, membres du Conseil d’administration du musée et sa compagne Véronique Lerebours.

Depuis, L’Association des Amis du Musée maritime de la Rochelle gère l’entretien et les sorties en mer une grande partie de l’année et véhicule la mémoire du bateau et de son capitaine.

Joshua est classé monument historique en 1993.